Metz
Politique
Par VAUCHER Jonathan
Publié le 24/04/2025 à 17:25

Le Préfet Laurent Touvet quitte la Moselle

« C’est un appel un lundi à 23h du ministère de l’Intérieur mais c’est une demande qu’on peut refuser ». Et qu’il n’a pas refusé. Laurent Touvet explique la décision qui est tombée le 9 avril de prendre ses fonctions dans le Pas-de-Calais et de quitter la Moselle, un 4e département dans sa plutôt jeune carrière de préfet. Une nomination qu’on ne refuse pas pour des raisons politiques certes, mais aussi car « c’est une marque de confiance et de reconnaissance » devant l’ampleur des enjeux. « Mais je ne suis pas là pour parler du nord de la France et de ses dossiers ».


Les projets à finir… mais sans lui


Devant la presse pour la dernière fois, le futur ex-préfet, qui prendra son nouveau poste le 29 avril, revient donc sur les 5 ans en Moselle débutés avec la crise Covid. « Ce n’est pas la période la plus compliquée que j’ai eu à vivre, non… La crise des gilets jaunes par exemple, rendait le travail plus instable. Durant la crise politique gouvernementale ? Non, je ne trouve pas que ce fut plus compliqué ». Les dossiers, eux, étaient nombreux et ardus. Comme ce vieux serpent de mer, l’A31 bis. « Il n’y a pas longtemps, on hésitait encore sur les tracés, maintenant on sait ce qui est retenu, j’ai réussi à mener la consultation publique et j’ai décroché la décision ministérielle ». Une satisfaction pas entière, « j’aurais aimé pouvoir franchir d’avantage d’étapes » et surtout celle de l’enquête publique fin 2025. « J’espère que le dossier sera minutieux vu le temps que l’administration centrale a pris ».


S’il y a bien un dossier qu’il va retrouver dans le nord de la France c’est celui de la crise sidérurgique et de la reconversion des friches. « Quand on parle de bassin minier, ici j’en ai connu deux. Dans le Pas-de-Calais, ce sont les même enjeux d’ordre urbanistique, économique, social… Il y a aussi cette même mentalité favorable à l’industrie. Je pars bien armé grâce à la Moselle ». Pas question pour autant de s’avancer sur les grands sujets à venir « les inondations, la question migratoire, le réarmement économique ». En Moselle, il fait part de son inquiétude dans l’économie automobile et sidérurgique suite à l’annonce récente d’ArcelorMittal. Mais aussi sa fierté sur plusieurs projets dont la méthode et la concorde des politiques locales et nationales a permis d’aboutir à un permis de construire « sans aucun recours ». Un projet dont il ne verra à nouveau pas l’achèvement.


« François Grosdidier semble parfois préférer le conflit »


Pour son successeur, le préfet espère la poursuite des bonnes relations entre élus et une Moselle en ordre serré pour défendre ses intérêts économiques notamment devant le Luxembourg « dont nos relations sont présentes dans tous les dossiers. C’est un voisin qui apporte une grande richesse mais les discussions ne sont pas faciles si on y va en ordre dispersé », dit-il en rappellant avoir réuni un comité consultatif des élus à la demande de Clément Beaune pour s’unir « sur ce qu’on attend du Luxembourg ». D’ailleurs, ce qui l’a surpris en arrivant en Moselle, c’est « la capacité de bon nombre de responsables à se comparer. surpris en arrivant en Moselle ? la capacité de bon nombre de responsable à se comparer. Je préfère qu’on valorise les atouts, notre situation géographique, nos friches à reconvertir, notre potentiel formidable à valoriser ».


Une entente cordiale certes, mais avec des échanges tendus. A plusieurs reprises, la presse a senti quelques frictions avec le maire de Metz et président de l’Eurométropole François Grosdidier. « En langage diplomatique, nous avions des échanges ‘francs’. Je pense que c’est une différence de mentalité, je cherche le consensus, et il me semble parfois préférer le conflit et la discussion vive. Mais on a su se retrouver sur plusieurs dossiers comme la sécurité ou l’extension du Mettis ». Le préfet assure que « nous avons le même soucis de l’intérêt général » mais parfois « on privilégie l’intérêt de l’institution qu’on représente », rien de plus. Est-ce un problème lié à la décentralisation avec l’Eurométropole ? « Il y a beaucoup d’échelon et le citoyen a du mal à s’y retrouver, c’est un constat oui ». Mais, pour lui, les 725 communes de Moselle « n’ont pas envie de disparaitre et ont conscience qu’il faut travailler en commun. Et cela passe par l’intercommunalité » explique-t-il : « je ne me suis pas posé en obstacle des institutions, bien au contraire », rappellant son opinion favorable à la fusion des deux agglo du nord mosellan.


Gens du voyage et démissions de maires


Le préfet qui a aussi dressé rapidement un état de la politique actuelle : la question des gens du voyage en Moselle, « en principe il y a des aires mais c’est une évidence : s’il y en a pas, ils iront là où ils veulent. » A partir de là, si les aires existent, « la compétence du préfet c’est de pouvoir les évacuer, ce n’est pas un devoir (…) Il n’y a pas de bonnes solutions sur ces dossiers », dit le préfet rappelant que durant l’hiver, un groupe s’est déplacé entre le parking de la Foire Expo et le Kinépolis de Saint-Julien-lès-Metz. « Il n’y a pas d’autres endroits pour eux et je ne peux pas les contraindre à un emplacement, je peux juste les déloger mais j’essaye d’anticiper l’endroit et d’économiser les moyens de la police. Souvent, on essaye la solution la moins mauvaise possible ».


Quant à la question des démissions de maires et de la 50ne de dépôts de plaintes que la préfecture a constaté sur des atteintes aux maires de Moselle, Laurent Touvet temporise : « il y a eu 32 maires démissionnaire sur le dernier mandat, idem entre 2020 et 2025, ce n’est pas une épidémie. Ce sont beaucoup des raisons de santé ». Et pour ceux qui ne se représenteront pas « qu’un tiers ne veule pas, cela ne me choque pas, d’autant qu’il est de plus en plus compliqué de trouver des gens qui s’investissent, surtout pour un mandat de 6 ans ».


Des liens amicaux tenus secrets


Durant la vacance du poste, le secrétaire général de la Préfecture va assurer l’intérim. « On ne sait pas pourquoi c’était aussi urgent, mais il est d’usage de remplacer un préfet dès son départ donc j’y serais le 29 avril ». La Moselle sera donc sans préfet quelques jours, la faute peut-être à un préfet qui a refusé le poste dans le département. Touvet reviendra-t-il ? « Non, pas dans les mois à venir », question de protocole. Mais la Moselle restera une belle étape. « Le plus dur dans ce métier, c’est qu’il ne faut rien laisser paraitre, on doit rester dans la neutralité. Pourtant j’ai noué des liens amicaux et des affinités. Paradoxalement, on ne peut le révéler que lorsqu’on part ». Evoquant les lieux qu’il affectionne comme le jardin de la maison Schuman ou les paysages de la vallée des éclusiers ou de la carrière du Barrois à Freyming, « inattendus ». Et d’évoquer pour finir cette virée à moto qui l’a conduit à découvrir l’église de Munster, son maire qui ne savait pas à qui il parlait, l’aamenant au final à des discussions officielles sur sa réfection. Satisfait de ce qu’il a accompli ? « On ne peut pas satisfaire tout le monde » mais la tâche est globalement réussie…